Odyssée de l'Espagne

[JR.]

Salut Micka,

Je suis de retour après 3 semaines de profond sommeil. Je crois que je vous ai quitté à la 7 ème étape, alors je vous délivre la suite et fin de l'Odyssée .


ETAPE 8 : MARCOLES – RODEZ : 80 Kms

Une visite expresse de la cité médiévale de Marcoles, puis direction Conques et visite de ce centre de pélerinage de St Jacques de Compostelle. Belle rando le long des gorges du dourdou jusqu'à Marcillac. Pause déjeuner. Après ça se complique, il fait entre 35 et 40 ° au soleil et la montée sur Rodez sur une quinzaine de kms est harassante. Je m'arrête tous les 2 kms pour m'éponger et boire un coup. Je n'irai pas plus loin. Après avoir bien tourné, je trouve un ibis budget en périphérie. C'est la 1ère nuit que je vais dormir avec mon vélo dans une chambre réservée aux handicapés. Je crois que ma relation avec mon vélo devient de plus en plus complexe . Il est face à moi, inerte et pourtant c'est lui qui me fait avancer chaque jour un peu plus.

ETAPE 9 : RODEZ – ST CERNIN : 90 Kms

Après un bon repos, j'amorce d'entrée l'ascension de Rodez 2kms (je me rappelle l'arrivée avec Emilien et Ludo sur l'aventure aveyronnaise), puis une grimpette de 15 kms jusqu'au lieu dit « Le caussanel » direction Cassagne begones. Je déjeune à Réquista. Je descends sur les gorges du Tarn et prends une petite route magnifique jusqu'à Tréba. A partir de là, les choses se compliquent encore, je crois prendre le même type de route le long du Rance. Ah que non, il me faut grimper jusqu'à Plaisance que ça me plaise ou non sous le cagnard. Mes cartes sont des cartes régionales (aucune indication sur les reliefs) et le petit signe pour indiquer que ça grimpe n'est pas toujours marqué. Alors même scénario que la veille, tous les 2 kms je m'arrête pour m'éponger. Arrivée à Plaisance, rebelote, mes jambes ne répondent plus, je crois que je suis en hypo ou en hyperthermie. A balaguier sur Rance alors qu'il me reste 3 ou 4 kms pour arriver à St Cernin, je suis obligé de m'arrêter et de m'allonger sous un marronnier. Il faut que je retrouve mes jambes. Je repars 1 h plus tard mais rien à faire, je n'ai plus de force, je finis au forceps. Je m'assois à une terrasse, un grand perrier, un panneau avec n° tel chambre d'hotes. J'appelle, une chance, la chambre est libre avec en plus une piscine. Houra, plouf, je me sens revivre. Une bonne pizza accompagné d'une côte du tarn rosé. Elle est pas belle, la vie.

ETAPE 10 : ST CERNIN - ST PONS DE THOMIERES : 80 Kms

Au menu, 5 cols. Je pars plus tôt 7 h (j'aurais du faire cela tous les jours). Je grimpe les 15 premiers kms à bonne allure jusqu'à la Roquecezière (300 à 900 m d'altitude = 600 m de déniv à environ 4%). La vierge Marie me bénit et la table d'orientation me fait découvrir l'immensité du paysage. Au nord les monts d'Auvergne, au sud dans l'ordre les monts de Lacaune, de l'Espinousse que je gravirai dans la journée, la montagne noire (demain) et les Pyrénnées (après demain).
Puis j 'enchaine le col de Sie, Lacaune, le col de Piquolaten et descente sur Salvetat. Pour changer, j'espérais boire une bonne Salvetat, ce sera la fameuse eau pétillante bouteille en plastique (c'est bien la peine d'avoir fait tout ce chemin!)
Dernières ascensions, le col de la barraque et du carabetou. Une grande desccente jusqu'à Pons avec un compagnon de route de fortune qui m'indique une petite source d'une eau fraiche et douce (autrechose que la salvetat).
Ce soir, ce sont les retrouvailles avec Noelle et Corto qui auraient du me récupérer à la frontière. Or il me reste encore 2 étapes à faire.
Nous séjournons en chambre d'hôtes tenu par des ex marnais, une belle demeure plantée au milieu d'une ancienne usine de textile désaffectée (grandeur et décadence d'une triste France). Repas à Courniou dans un jardin ombragé.


ETAPE 11 : ST PONS DE THOMIERES – DAVEJEAN : 110 Kms

Encore des cols en perspective. J'emprunte la voie verte (ancienne voie ferrée) entre St Pons et Courniou. 1Ère ascension jusqu'au col de Serrières (655 m) durant 13 kms. La route est tranquille, passage à Ferrals les montagne et descente vertigineuse vers St Julien des Molières. Succession de bosses dans le minervois. Grande plaine à Azille- La redorte- Escale. Là je rentre dans les Corbières (petite chaine montagneuse). Ca grimpe vers Montbrun des Corbières- Moux. Je suis obligé de prendre une grosse départementale D6113 vers Cornilhac pendant 5 kms, je tourne à Fontcouverte et m'arrête à Fabrezan où je mange un plat de tagliatelles au roquefort. Il fait très très chaud 35 ° à l'ombre, je décide d'attendre 15 h avant de repartir sous le cagnard. Je poursuis sur St laurent, là ça monte sur 12 kms jusqu'au col de villerouge. Je suis content d'apprendre qu'une chambre d'hôtes nous attend à côté de Davejean. Je rejoins Noelle et Corto qui sont dans un espace baroque qui est à la fois le café du village, un snack et une piscine municipale. Je me rends à la chambre pour un peu me reposer. C'est une chambre dans une ferme aussi très rustique. Le fermier, un ex manchois, nous prend vraiment pour des touristes américains. La chambre est sale et pleine de poussière. Le petit déjeuner inexistant. Je suis révolté de voir qu'on puisse accueillir de telle manière. Il nous prend vraiment pour du bétail et cher par dessus le marché.

ETAPE 12 : DAVEJEAN – MAUREILLAS : 100 kms


J'ai très mal dormi ou pas du tout dans cet espèce de grenier à foin. Ce sera ma dernière grande étape avant le passage en Espagne. J'ai pris la décision de m'arrêter juste après le passage à la frontière. Je n'ai plus envie. Les jambes tournent bien, le cul se porte pas trop mal, la douleur au cervicale est toujours là mais je supporte. Non, ça fait 12 jours que je roule et chaque jour c'est un peu la même chose. Lever de bonne heure et pas encore assez, préparation rituelle, des kms et des kms, des montées et des descentes, la pause systématique de 10h, le repas de 13 h, le cagnard de l'après midi, la recherche d'un gîte (faut dire bien aidé par mon assistant Corto qui se lasse aussi). Et puis ma petite famille est là et je ne vais pas leur faire supporter pendant au moins 5 jours tout ce protocole. Alors je remets la 2ème partie espagnole pour une autre fois.

Revenons à cette 12 ème étape. J' enchaine le col St Martin puis le col du Prat. Maisons et les gorges du Torgan magnifiques jusqu'à Padern. Après ça grimpe de nouveau, un petit bonjour au curé de Cucugnan et grosse grimpette jusqu'au château de Quéribus pour une vue panoramique sur les pyrénées. Elles s'approchent de plus en plus. 10 h si je prenais un petit remontant. Je m'arrête à la cave coopérative et je déguste un maury somptueux avec mes fruits secs, un délice !.
J'emprunte la D117 (attention aux fesses pendant 10 kms). Estager, je passe le col de la bataille – Millas et Thuir où je me repose. Une ascension de 10 kms m'amène au col de Llauro. Je m'arrête souvent à cause de la chaleur et me rafraichît tout le corps près d'une petite source. Grande descente sur Ceret.

Après quelques tervigersations avec mes 2 assistants, nous choisissons enfin le lieu d'accueil au « Mas d'en Bach ». Ca nous change de notre nuit précédente, une très belle demeure (mas catalan) ex domaine viticole tenu par un couple d'anglais à la retraite. L'endroit est magique. Je regarde la carte et m'aperçois que juste au dessus de Maureillas, il y a une petite route qui grimpe au milieu des monts albères et qui mène jusqu'à la frontière à Super las Illas, au col de Lli. Il se peut très bien que ce soit par là que mon grand père, jadis, soit passé par là pour éviter le col du Perthus.

EPILOGUE : Jeudi 11/07/2013 MAUREILLAS-LA JUNQUERA : 30 kms

Corto et moi décidons de partir vers 10 h, direction la frontière espagnole. Pour cela nous devons gravir le dernier col d'une quinzaine de kms (déniv : 600 m avec des passages à + 10 %). En plus pour Corto, c'est son premier col. Il montre une grande patience durant les 1h30 d'ascension mais quelle fut belle cette montée jusqu'à Super las Illas. Au bout de 12 kms, des passages très raides mais surtout plus d'indications. La route goudronnée s'arrête nette, trois chemins partent sur des directions opposées. En éclaireur, je fais le choix d'aller en face mais impasse, un chemin est coupé par un arbre en travers. Je redescends et nous décidons d 'emprunter le chemin forestier qui part en épingle, nous poursuivons dans un espèce de no men's land tapissé de fougères, j'ai le sentiment que la frontière est proche et je me dis que mon grand père est surement passé par là, par ce chemin de contrebandiers, par ce chemin qui ressemble à un passage de liberté. Au loin une barrière, je dis à corto : « ça y est, nous y sommes, pars devant et j'immortaliserai ton passage ».
Nous arrivons sur une grande rotonde où un monument en hommage à Lluis Companys est érigé. Après quelques photos et messages aux potes qui nous ont suivi, nous prenons une grande descente goudronnée qui nous amène tout juste à l'entrée 2 de l'autoroute AP7, à la Junquera. Retour à la civilisation.

Ainsi s'achève ma fantastique chevauchée de 1230 kms en 12 jours. De violents orages survinrent juste après comme un signe du destin, celui du temps de me reposer.

J'espère pourvoir poursuivre ce périple car j'ai vécu des moments très agréables malgré les douleurs fessières et cervicales. Peut être faudra t'il que je me prépare plus sérieusement, que je parte encore plus léger, que je réduise sensiblement les distances, que je m'efforce à partir plus tôt pour ne rouler que le matin et me laisser plus de temps à échanger avec les gens.

Merci à tous ceux qui m'ont soutenu et en particulier à Corto qui chaque jour était au rendez vous téléphonique et m'a accompagné de belle manière dans la dernière ascension et à Noelle qui une fois de plus m'a rejoint et a supporté mon mauvais caractère.


JR

[Magalie]

Merci pour ce résumé. J'étais partie à l'étranger et je me demandais comment c'était finie ton odyssée ! C'est incroyable ce que tu as fait ! Félicitations !!! ça a dû être quelque chose de fort que de passer cette frontière avec Corto Et quelle force de caractère tu as pour avoir réussi chaque jour à remonter sur ton vélo ! Bravo, tu peux être fier !!

[Micka]

génial JR tu es le meilleur, j'ai bien aimé le clin d’œil culturel du curé de Cucugan , La famille était la sur la fin, ton passage à la frontière a quelque chose de romanesque, tu n'as jamais pensé à écrire un livre? Et respect à Corto qui à eu la chance de faire un col de montagne en velo avant moi, maintenant bon repos pour la suite bon courage

[Marie-Claude]

Comme toujours , un super résumé ..... c'est comme si on était avec toi en vélo .... !!! Encore BRAVO pour cette aventure sportive incroyable .Tu peux être très fier de ton exploit sportif . Repose toi bien et récupère bien pour la semaine fédérale !!!
A bientôt

[Davidlebolid]

Avec un peu de retard nous découvrons, moi et Valérie, ton périple ! Nous avons tout lu d'une traite (c'est l'avantage d'arriver en retard )
Eh bien félicitations pour cette belle et riche idée que tu as eu.
L'émotion devait être grande sur les dernières étapes et bravo aussi à Corto pour cette ascension jusqu'à la frontière espagnole.
A bientôt en forêt picarde.
David et Valérie

[jeremy]

Super JR ! merci pour le résumé !

faudra que tu nous raconte ça de vive voix dimanche !